Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/61

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La ville proprement dite, avait la forme d’un carré long, et était entièrement fermée de murailles. Elle s’appuyait à l’E. sur une petite rivière, aujourd’hui dans la ville, et à l’O. sur un cours d’eau débouchant dans la mer près du môle, après avoir traversé la ville dans toute sa largeur. Selon la mode espagnole les rues étaient larges et coupées à angles droits. Deux forteresses solidement établies défendaient la ville dans sa partie O. et du côté de la campagne ; les murailles assez bien construites, étaient coupées de distance en distance par des poternes ; deux portes, dont l’une située à l’E. presque sur le bord de la mer, donnaient accès dans la ville.

La Vera-Cruz était alors justement nommée la ville riche. En effet elle servait d’entrepôt à tout le commerce du Mexique ; l’or et l’argent des mines y affluaient de toutes parts. Sa population s’élevait à environ 25,000 habitants, adonnés au commerce ; gens actifs, entreprenants, pêchant à qui mieux mieux en eau trouble dans ce magnifique Eldorado, et faisant en peu de temps des fortunes considérables.

Aujourd’hui, la Vera-Cruz se meurt ; sa population a diminué de moitié au moins ; l’herbe pousse dans ses rues éclairées au gaz et traversées par un chemin de fer américain. Les révolutions incessantes de ce malheureux pays, ont réduit son commerce presque à néant ; ce port, jadis si florissant, languit presque moribond ; un coup de tonnerre réussira seul à galvaniser le Mexique, en lui faisant perdre sa nationalité précaire, et le courbant pour toujours peut-être, sous le joug de fer du gouvernement des États-Unis.

Mais en 1674, rien ne faisait encore prévoir cette décadence profonde. L’Espagne était riche, puissante, redoutable et redoutée. Ses ennemis les plus terribles, puisqu’ils étaient les plus infimes et les plus difficiles à saisir, étaient les flibustiers. Eux seuls lui faisaient une guerre permanente : soutenant que passé les tropiques, il ne pouvait plus y avoir de paix avec l’Espagne ; ils lui infligeaient