Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/316

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avec la même obséquiosité intéressée, le gouverneur et le commandant de la garnison le recevaient avec le même sourire.

Deux fois il avait rendu visite à doña Elmina, et deux fois la jeune fille, se départant de sa réserve accoutumée, l’avait reçu le sourire aux lèvres et avait causé presque amicalement avec lui.

Que se passait-il donc ? et d’où provenait cette inquiétude vague qui agitait malgré lui don Torribio Moreno ?

Il n’aurait su le dire.

Supposer un tel homme capable de ressentir les premières atteintes du remord, serait commettre une grave erreur.

Don Torribio Moreno était une bête fauve dans toute la terrible acceptation du mot ; une de ces natures féroces taillées pour le crime, heureusement plus rares qu’on ne le suppose et chez lesquelles le sens moral n’existe même pas en germe ; qui font le mal par instinct, presque par plaisir, sans même avoir conscience des crimes qu’elles commettent, tant ils leur semblent dans l’ordre ordinaire des choses.

Don Torribio, en principe se défiait de tout le monde.

Contraint presqu’à son corps défendant de se servir du capitaine Barthélemy, pour assurer le succès de ses ténébreuses machinations, il n’avait qu’une médiocre confiance dans la fidélité du Frère de la Côte, envers lequel il savait qu’il avait de nom-