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vingt ans déchiré mon cœur : je hais les ladrones, je hais Elmina.

— Votre fille ! s’écria don Lopez.

— Doña Elmina n’est pas ma fille ! reprit sèchement don José Rivas.

Sa voix était rauque, son accent saccadé, son dépit pressé, comme s’il eût eu hâte d’en finir au plus vite avec la confession étrange qu’il faisait et que peut-être, dans son for intérieur, il regrettait déjà d’avoir commencée.

Don José Aldao l’écoutait, avec une stupéfaction qui touchait à l’épouvante.

Don José reprit au bout d’un instant :

— J’avais vingt-cinq ans alors ; j’étais marié depuis trois ans, à une femme que j’avais épousé contre la volonté de mes parents. Vous savez que ma famille appartient à la plus haute noblesse espagnole, continua-t-il ; j’habitais, avec ma femme et ma fille, âgée alors de deux ans, une maison de la petite ville de San-Juan de Goyava, dans l’île Santo-Domingo ; cette ville est située, peut-être le savez-vous, sur la frontière espagnole. Une nuit, les boucaniers surprirent la ville, qu’ils incendièrent. Ma maison, après une résistance désespérée fut prise d’assaut ; tous mes serviteurs furent massacrés sans pitié par les ladrones ; je m’échappai par miracle à travers l’incendie ; ma femme et ma fille périrent dans les flammes.

— C’est horrible, s’écria don Lopez.