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avait connu intimement tous les personnages célèbres de ces deux époques et racontait sur eux des choses excessivement curieuses.

Il avait été lié avec Danton, Camille Desmoulins, les deux Robespierre, Saint-Just, Fouché, et il me faisait voir ces hommes, qui eurent une si grande influence sur la Révolution, sous un jour tout différent que celui sous lequel je les avais envisagés jusque-là.

Le comte ne jugeait ni n’appréciait, il contait franchement, nettement ce qu’il avait vu et entendu, et laissait à son auditeur à tirer la conséquence de ce qu’il lui avait dit.

Nos soirées s’écoulaient avec une rapidité extrême dans ces charmantes causeries, entremêlées parfois, mais rarement, de musique ; car le piano, ce fléau créé pour le désespoir de nos oreilles, a franchi aujourd’hui et pénétré même jusqu’à cette si inoffensive île de Saint-Christophe.

Cependant une chose me tourmentait : souvent j’avais essayé de mettre la conversation sur les boucaniers, et chaque fois le comte avait aussitôt détourné cette conversation ; il semblait prendre un malin plaisir à me taquiner en ne voulant pas me laisser formuler nettement la demande que j’avais constamment sur les lèvres, sans jamais pouvoir parvenir à l’articuler.

Le temps passait rapidement ; depuis près d’un mois j’étais à Saint-Christophe, le capitaine Dumont