Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/55

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toute crue de la viande qu’il portait, car il n’avait rien pour faire du feu.

La position de ce malheureux était d’autant plus horrible qu’il ignorait complètement les moyens de subvenir à son existence.

Un seul ami lui était resté fidèle dans sa détresse ; cet ami était un des chiens de son maître qui n’avait pas voulu l’abandonner et que de guerre lasse Boute-Feu avait fini par laisser en arrière, sans plus s’en occuper que de son engagé, dont il se croyait débarrassé à tout jamais.

Ce fut alors que, poussé à bout par le désespoir et la nécessité, se révéla le caractère résolu, l’énergie indomptable de cet homme qui, blessé et privé de tout secours, au lieu de se laisser abattre par la douleur et de s’abandonner soi-même, se raidit au contraire contre l’adversité et entreprit bravement de lutter jusqu’au bout pour sauver sa vie.

Ses journées se passaient en marches et contre-marches continuelles dans les bois ; il ne savait où il allait, mais il nourrissait toujours l’espoir de percer enfin les épaisses murailles de verdure qui l’enserraient de toutes parts et de retrouver sa route.

Souvent il montait au sommet des montagnes ; de là il apercevait la mer.

Son courage renaissait à cette vue, il se hâtait de redescendre dans la plaine ; mais la première sente de bête fauve qu’il rencontrait lui faisait perdre bientôt, malgré lui, la direction qu’il voulait suivre.