Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lèvres ; si parfois devant lui on avait parlé du féroce boucanier, toujours il s’était abstenu de se mêler à la conversation, soit pour blâmer, soit pour applaudir, bien que souvent on lui eût demandé son avis ; du reste, depuis plus de deux ans que ces événements s’étaient passés, les deux hommes ne s’étaient jamais retrouvés face à face.

Cette histoire vieille déjà, surtout dans un pays où chaque jour amenait des nouvelles aventures, était presque oubliée, et ceux qui, dans le premier moment, s’étaient attendus à une éclatante vengeance de la part du nouveau flibustier, commençaient à hocher la tête d’un air de doute, si parfois on leur parlait de la haine implacable de ces deux hommes, lorsqu’un soir le hasard se plut à réunir Boute-Feu et son ancien engagé à l’auberge de l’Ancre-Dérapée.

Voici comment la chose arriva.

Deux ou trois jours auparavant, un navire flibustier, commandé par Michel le Basque, était rentré chargé d’or et de prisonniers, après une croisière d’un mois dans les débouquements du golfe du Mexique ; six navires espagnols, surpris par les corsaires de la Tortue, avaient été pris à l’abordage, pillés, puis, selon la coutume, brûlés en mer.

Aussitôt le navire ancré à Port-Margot, les prisonniers avaient été débarqués, puis on avait procédé au partage des dépouilles.