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Les flibustiers, leurs parts de prise touchées, s’étaient hâtés, comme toujours, de les gaspiller dans de folles orgies.

Ces hommes n’estimaient l’or qu’en raison des jouissances qu’il leur procurait.

Le jeu surtout était leur passion favorite ; ils s’y livraient avec une rage et une frénésie indicibles, risquant des sommes énormes sur un coup de dé, et, le plus souvent, ne quittant la partie que lorsqu’ils avaient perdu leur or, leurs vêtements et souvent même jusqu’à leur liberté.

Depuis l’arrivée du navire de Michel le Basque, on jouait partout à Port-Margot dans les rues et sur les places, sur des tonneaux renversés, dans les auberges, dans la maison même de M. d’Ogeron, le gouverneur ; des querelles surgissaient de toutes parts, et le sang coulait à flots ; sages et fous subissaient l’influence de cette espèce de delirium tremens presque aussi terrible et aussi homicide que l’autre.

Seul peut-être de tous les Frères de la Côte, le capitaine Ourson avait échappé à cette folie d’une population entière ; il méprisait le jeu, qu’il considérait comme une passion honteuse.

Ses amis l’avaient souvent raillé sur ce qu’ils nommaient son puritanisme ; mais toujours il était demeuré inébranlable, et rien n’avait pu le faire sortir de la réserve qu’il s’était imposée.

Le soir dont nous parlons, vers sept heures, au