Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/64

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expression sinistre aux reflets changeants des lumières incessamment agitées par le vent.

Au milieu de la salle, sur une longue table improvisée avec des planches et des tonneaux, des masses d’or s’entassaient devant un homme qui, le cornet à la main, le regard insolent et railleur, secouait les dés d’un air de défi en apostrophant les flibustiers groupés autour de la table.

Derrière lui se tenaient une dizaine d’Espagnols, hommes et femmes, prisonniers faits dans la dernière expédition, et qui avaient servi d’enjeu suprême à leurs derniers maîtres.

– Voilà le boucanier auquel nous avons affaire, dit Vent-en-Panne. Suis-moi.

Ourson jeta un regard distrait sur l’homme que lui désignait son compagnon : il reconnut Boute-Feu.

À cette vue, ses sourcils se froncèrent, une pâleur livide envahit son visage, et, malgré lui, il fit un pas en arrière.

— Qu’as-tu donc ? lui demanda Vent-en-Panne, qui s’aperçut de son émotion. Ah ! reprit-il, au bout d’un instant, je comprends : tu as reconnu ton ancien maître.

— Oui, dit Ourson d’une voix sombre, c’est lui, en effet.

— Que t’importe ? Tu es libre maintenant et tu n’as rien craindre.

— Je ne crains rien, murmura le capitaine, comme s’il se fût parlé à lui-même.