Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/287

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les voir, les arbres semblant fuir comme une armée en déroute de chaque côté de la voiture.

Olivier réfléchissait ; il était triste. L’avenir lui semblait gros de malheurs.

— Ah ! s’écria tout à coup joyeusement la marquise, voici Puerto-Real ; avant un quart d’heure nous arriverons.

En effet, les voitures avaient obliqué sur la droite, avaient pris une large route qui suivait les bords de la mer, et, laissant à gauche le chemin de Cadix, elles se dirigeaient à fond de train vers une ville à demi enfouie sous des flots de verdure, et dont on n’était pas éloigné de plus d’une lieue : cette ville était Puerto-Real.

Olivier jeta sur la baie ce regard expérimenté de marin auquel rien n’échappe ; il ne put retenir un cri de joie.

— Qu’avez-vous, mon frère ? demanda aussitôt la marquise.

Le jeune homme sourit, et, allongeant le bras dans une certaine direction :

— Regardez, Santa, ma chère sœur apercevez-vous ce bâtiment, là, entre Cadix et Puerto-Real, et qui porte si fièrement le pavillon américain à sa corne ?

— Je le vois, oui, mon frère c’est un brick, je crois ?

— Oui, c’est un brick, il se nomme le Lafayette.

— Il est bien beau et bien élégant, mon frère. Est-ce que vous le connaissez ?

— Si je le connais ! s’écria-t-il d’une voix tremblante d’émotion, c’est mon navire, celui que j’ai si longtemps commandé lorsqu’il était corsaire et se nommait le Hasard ; mon cœur a bondi en le