Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/97

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— Coupez les amarres ! Coupez tout ! cria Olivier ; la barre sous le vent ; filez les écoutes ; éventez le grand foc !

Le léger navire dégagé arriva gracieusement, et s’éloigna, rapide comme un oiseau, de la corvette.

— Oh ! nous sommes sauvés ! s’écria doña Dolorès en se jetant dans les bras de son mari.

Tout à coup une effroyable décharge retentit.

Le capitaine espagnol, se sentant perdu, ne voulut pas mourir sans vengeance ; la corvette coulait à pic, l’eau atteignait les sabords : il lâcha sa dernière bordée avant de disparaitre à jamais !

Cette bordée, tirée presque bout portant, eut un résultat terrible.

Les lisses du Hasard furent éventrées, la mitraille balaya le pont, d’horribles cris d’agonie s’élevèrent de tous les côtés ; un quart de l’équipage avait été frappé.

Olivier et Dolorès, se tenant toujours embrassés, avaient roulé sur le pont.

Par un effort sublime, la jeune femme, appuyant ses lèvres sur celles de son mari, murmura d’une voix faible : — Carlos, je t’aime ! à toi mon dernier soupir !

Et elle expira un sourire d’ange sur ses traits pâlis, étroitement serrée dans les bras crispés de son mari, qui, lui aussi, paraissait être mort !

Malheureusement il n’était qu’évanoui !…

Dolorès était morte comme elle l’avait désiré, dans les bras de son mari, et en le sauvant, car l’éclat de bois qui l’avait tuée n’avait fait que le blesser ; il est vrai que cette blessure était affreuse !