Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Malheureusement, les chemins n’existent nulle part ; le voyageur est contraint de se frayer passage la hache à la main : de là des lenteurs désespérantes et des fatigues inouïes pour les hommes et les animaux. Partout je fus reçu avec les plus grands honneurs ; la civilisation, toutes proportions gardées, est assez avancée, bien que ne ressemblant nullement à la nôtre ; d’ailleurs, la religion mahométane fait de très-grands progrès en Afrique : tous les rois, les princes et les chefs avec lesquels j’ai eu des rapports étaient musulmans et suivaient strictement leur religion, ce qui ne les empêchait nullement de vendre leurs sujets le plus cher qu’ils pouvaient. J’ajouterai que, dans l’intérieur des terres, les noirs éprouvent un dégoût invincible pour les blancs, dont ils ont une peur affreuse. Sur la côte, c’est tout le contraire. Je séjournai pendant un mois à Timbo, et je revins à ma factorerie, conduisant avec moi cinq cents esclaves choisis.

C’est surtout sur la côte que la force prime le droit, et que le commerce se fait à coups de fusil ; en voici un exemple entre autres :

La Fortune était mouillée à Gallinas, attendant un chargement de deux cent vingt noirs que le capitaine avait promis de nous envoyer de Bangalang. Sur rade et mouillé à une demi-encablure de la goëlette se trouvait un grand brick allemand, dont le capitaine avait traité avec un facteur espagnol ; le chargement de ce brick n’était pas complet ; il n’avançait que lentement, j’ignore pour quels motifs. Ce capitaine apprit, je ne sais comment, l’arrivée de mes nègres : il résolut de compléter son chargement en me les enlevant,