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albert d'aix.

des piéges et des incursions des Turcs, et jusqu’à ce qu’ils eussent réuni de plus grandes forces par l’adjonction des Chrétiens qui devaient arriver. Pierre, ainsi que tout le peuple chrétien, accueillirent avec empressement le message et les conseils de l’empereur, et ils passèrent deux mois de suite en festins continuels, vivant en paix et en joie, et dormant en pleine sécurité à l’abri des attaques de tout ennemi.

Au bout de deux mois cependant, devenus mauvais sujets et désordonnés à force d’oisiveté et d’abondante nourriture, n’écoutant plus la voix de Pierre, et agissant même contre sa volonté, les pèlerins se rendirent, à travers les montagnes, sur le territoire de la ville de Nicée et du royaume de Soliman, chef des Turcs ; ils enlevèrent le gros et le menu bétail, les bœufs, les moutons, les boucs qui appartenaient à des Grecs serviteurs des Turcs, et les ramenèrent auprès de leurs compagnons. En les voyant agir ainsi, Pierre conçut une grande tristesse, sachant bien qu’une telle conduite ne demeurerait pas impunie ; il les avertit même très-souvent de suivre les conseils de l’empereur et de renoncer à de pareilles prises ; mais ce fut en vain qu’il parla à ce peuple insensé et rebelle. Comme leurs entreprises avaient bien réussi, ils ne redoutaient point encore d’être arrêtés dans leurs déprédations ; et des jeunes gens, pleins de courage et de légèreté, s’avisèrent alors de prendre avec eux quelques bandes armées et d’aller, sous les yeux des Turcs, enlever du butin dans les prairies et au milieu des pâturages situés sous les murs même de la ville de Nicée, pour le ramener ensuite au camp. Ils se réunirent donc au nombre de sept mille hommes de pied