Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/121

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lendemain, par un mélange de folie et de raison. Le théâtre développe cette puissance des signes à soi-même, qui fait tous les drames. Quand Montaigne nous rappelle que les enfants s’effrayent souvent d’un visage qu’ils ont eux-mêmes barbouillé, il trace la courbe du croire. L’apprenti sorcier finit par réussir trop ; mais il faut bien entendre cette vieille fable ; il joue à se faire peur et le voilà fou de peur. Ces drames sont absolument intérieurs, et, par cela même, comme aimerait à dire Hegel, absolument extérieurs ; car le semblable donne la réplique, et les choses aussi ; deux monologues se rencontrent ; et les ronces n’accrochent que celui qui fuit. L’enfant joue à se battre et reçoit plus de coups qu’il n’en voulait. Il joue à tomber sur le sable ; mais la pesanteur ne joue pas, et il se trouve dans le sable une très sérieuse pierre. Ce genre de preuve, qui est pourtant d’expérience, entre par une très mauvaise porte. La guerre est le drame essentiel.