Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/142

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au sérieux. Plus près maintenant de mon sujet, je dis qu’il y a une vérité des contes, car il y a vérité et vérité. Il y a une vérité, des choses, qu’on n’aura même pas sans courage ; mais il y a une vérité du courage, qui est de l’homme seulement, je dis de l’homme pensant, aimant, osant. Et, par exemple, le philtre d’Yseult est vérité mêlée ; ce n’est point là du pur conte, et je soupçonne quelque commentateur trop peu naïf, qui a confondu le miracle extérieur avec le miracle intérieur. Car qu’est-ce qu’amour forcé ? C’est amour déjà mort. Et cette partie de l’amour, qui n’est que maladie, n’est même plus amour du tout, sans la grâce de l’autre, qui naît toujours et renaît de rien. Il faudrait donc aimer malgré le philtre, si philtre il y a. Disons que le philtre n’est qu’une image ; toutefois elle est trop forte. Le sabre magique est meilleur ; car il est sans doute plus difficile de se fier au sabre magique qu’au sabre vrai. La foi n’en est que mieux armée, et