Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/143

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de soi seule. Tel est donc l’enseignement des contes, qui séparent si bien les bons et les méchants ; Cendrillon est toute bonne, et ses sœurs ne sont qu’envie. Certes, ce n’est pas ainsi ; mais l’enfant commence par juger ainsi ; c’est ainsi qu’il désire et craint. Il reviendra ; il inscrira le vrai et la variété des caractères dans ces cercles d’abord tracés, comme à travers les contes il finira par voir le monde.

L’ayant vu, l’ayant conquis, l’ayant changé, il ne prendra point les travaux pour vraie richesse, si seulement il se souvient. Car s’envoler dans les airs, l’homme le fait, et quand c’est fait ce n’est plus rien. Les contes voyaient juste. Les distances sont franchies, le temps s’écoule. Une grande âme fait ces travaux et n’en parle guère. Car le monde difficile, c’est toujours le monde humain, d’enchanteurs et de sorcières, vieux ou jeunes vieux, qu’il faut prier et persuader, et que cinquante chevaux, même en une machine, ne