Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/156

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brave, prompt, et résistant, comme on voit aux guerres, où, dans cette foule d’hommes, et devant le danger véritable, les dieux agrestes n’ont plus de lieu. Au contraire l’épaisseur des bois fut toujours sacrée. Cette nuit de midi et d’été est encore d’imagination ; car les formes y sont très distinctes ; mais l’éclipse des choses y est continuelle, par la marche même de l’homme ; tout s’ouvre et se referme ; ce sont des mondes séparés ; outre que les troncs courent avec nous, et se cachent les uns les autres, et se découvrent ; les colonnes des temples imitent ces effets, et même l’entrecoupement des hautes branches, mais la signature de l’homme y est lisible ; au lieu que la nature des bois est profondément étrangère à l’homme. Une variété monotone fait qu’il y est aussitôt perdu. Il ne s’y plaît qu’en compagnie, et dans le tumulte humain des bûcherons et des chasseurs, ou dans les fêtes sylvestres, qui sont des exorcismes. Autrement on tra-