Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/157

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verse les bois ; on les fuit, telle est la connaissance qu’on en a. Cette fuite est encore dans l’homme qui s’arrête. De toute façon il interroge, et sa vue s’adapte au delà de ce qu’il voit. Les jardiniers savent bien ménager les questions et les réponses ; mais aussi le jardin est urbain et politique. On ne cesse pas d’élaguer et d’y ouvrir des vues, ce qui multiplie comme un jeu le souffle qu’on reprend au sortir des bois. Un bois n’est nullement un jardin ; un petit bois est plus grand à sa manière qu’un grand jardin ; du jardin on sort toujours, on sort à chaque pas ; dans le bois on y entre toujours.

Nul ne vit dans les bois. Les bêtes n’y sont que pour se cacher, et toujours aux lisières, si elles ne sont poursuivies. L’homme n’y peut vivre ; il y prend seulement ses poutres et ses bûches. La vie dans les bois est une fiction ; l’homme des bois est un poursuivi ; on ne pense point que les forêts sont aussi inhabitables que les