Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/159

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On dit bien qu’avant les dieux à forme humaine il y eut des dieux sans forme, et qui n’étaient qu’absence. C’est que le végétal n’est nullement homme ; la forme végétale nie l’homme. On s’y trompe quelquefois, voyant mal quelque forme de feuille, un œil noir qui n’est qu’un tronc entrevu, ou bien une branche noueuse qui imite un visage ou un bras ; mais ce genre d’apparition s’efface sans aucun changement, par le seul regard, encore plus vite que ne fait la biche, et plus étrangement, car on s’assure qu’il n’y a rien et qu’il n’y avait rien ; on reconnaît cent fois qu’il n’y avait rien. Cette manière de se rassurer est effrayante, et confirme le quelque chose d’autre, autre absolument, informe absolument. On ne sait quoi, qui est toujours caché, non pas derrière l’arbre, mais dedans ; non pas dedans, car ce n’est que fibre et sève ; le dedans est connu de la même manière que le dehors, ni moins, ni mieux ; il suffit de creuser, couper ou