Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/160

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fendre. La même surface toujours se moque de nous. C’est que la petite ou grande peur est de nous ; semblable à notre ombre projetée sur la chose ; et certes les ombres ont nourri une mythologie, mais sérieuse seulement, à ce que je crois, par le culte politique ; on a repris de la vie agreste un dieu qui depuis longtemps n’effrayait plus même les enfants. L’ombre de notre peur est toute épaisseur transparente et sans contour ; qui la fait jouer la perd. Comme le relief vu, qui n’est pas du tout relief. Ainsi nous regarde le spectre, dans le silence des bois et même dans la paix des champs. Ce n’est qu’une chose toute familière, et nous le savons bien. Plus nous le savons et plus nous en doutons. L’impatience de l’homme qui ne veut pas vivre avec la peur est d’agir enfin sur ce nœud d’arbre ou sur cette pierre qui refuse visage, afin d’achever le dieu. Tel est le grand exorcisme. Dans la statue quelque chose périt, c’est le dieu sylvestre, dont la sub-