Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/161

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stance est faite d’absence et de silence.

Une femme qui n’était point sotte, et qui se montra brave quand il fallait, disait qu’elle n’osait pas, le soir, regarder la nuit du dehors à travers les vitres : “J’ai peur, disait-elle, d’y voir quelque chose qui me ferait peur.” Ce mouvement si naturel confirme tous les dieux. Car, si l’on évite la source sacrée ou l’arbre enchanté, si l’on fuit au lieu de regarder, si l’on se prosterne, on ne témoignera jamais que sur ouï-dire. Toutefois je crois comprendre que ce refus de chercher apaise plus qu’il ne trouble, surtout si l’on se tient immobile, tout replié, et tête basse ; car ce ne sont jamais que nos perceptions qui nous portent à imaginer, et ce n’est que notre mouvement qui anime les choses. La prière, dont nous saisissons ici l’image naïve et muette, serait donc aussi un exorcisme, et encore bien plus puissant qu’on ne croit. Le sommeil serait inexplicable, si l’immobilité n’éteignait pas les pensées. Il faut dire aussi que la