Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/162

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prière mécanique, conformément à l’immuable modèle, couvre le récit bavard que l’on se ferait à soi-même. Et, au reste, toutes les passions vives excluent la transe sans objet. Les avares ne croient à rien ; c’est qu’ils sont occupés d’autres craintes et d’autres attentes ; mais aussi l’avarice suppose un état politique qui est urbain en quelque façon. Une religion efface l’autre. Toutefois, du mouvement de prier, qui est en un sens refuser, il reste en chacun une grande prudence concernant ce qu’il pourrait croire et même voir. Au degré de la religion agreste, il n’est rien qu’on ne puisse croire, et un dieu prouve l’autre. C’est un genre de tolérance de croire par provision, et sans chercher de preuves. Le dieu est presque toujours l’imminence d’un dieu, ou même la simple possibilité d’un dieu. On se hâte de croire, dirais-je, par crainte de voir. On ne se promène point au sentier du dieu ; on se détourne, et c’est peut-être la perfection du croire, car on y