Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/163

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trouve la paix. On surprend ici cette indulgence aux récits, et en quel sens le croire est ce qu’on donne aussitôt, comme on donne sa bourse aux voleurs, et encore bien heureux. Tel est le moment de l’invisible, et son lieu préféré.

C’est ainsi que la nuit bienfaisante recouvre à la fois le visible et l’invisible. Selon l’expression homérique, les hommes et les dieux s’endorment en même temps. Et, si je ne me trompe, dans la belle expédition de nuit de l’Iliade, les guerriers ne voient point de dieux. C’est que les dangers de nuit sont trop réels peut-être, et ce qui est caché par la nuit est de même espèce que ce qui se montre le jour. L’imagination y suppose des perceptions. Outre que la solitude la nuit n’est pas cherchée. Bien plutôt la nuit rassemble les hommes, et fait une sorte de ville. Ce n’est pas que les hommes dorment aussitôt que la lumière s’éteint, comme les poules. Mais il n’en est pas moins vrai pour tous que le soleil,