Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/164

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cet éveilleur, emporte en se couchant ce vêtement de rayons qui habille nos pensées, même imaginaires. À la petite classe de mes quatre ans, il y avait un cachot noir où l’on enfermait le turbulent ; on aurait cru à un redoublement de cris ; mais non ; presque aussitôt l’enfant dormait. La première chose à faire, et la plus utile, devant un cheval fou, c’est de lui couvrir la tête d’un sac, si on peut. Ainsi, après la fatigue du jour, et par le contact ami, l’homme attend et espère le sommeil ; il le sent comme une douceur sur les yeux ; il ne l’attend pas longtemps. L’insomnie est toute de malice, et plutôt diabolique, mais c’est un trait de la religion agreste que l’opposition du diable et de dieu n’y est pas encore posée. Pense aux rivaux et à l’empire, tu ne dormiras pas ; mais pense aux travaux, tu dormiras. Les dieux sont au dehors. Le bois sacré se resserre ; il est derrière la porte, et la porte est fermée. D’où je crois que toute la magie des nuits