Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/175

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on penserait juste, car la ville ne se nourrit pas d’elle-même. L’esprit non plus ne se nourrit pas de lui-même. Un temple donne plus à penser qu’un livre, et le temple lui-même est mieux en sa place dans les champs et les bois qu’au-dessus des maisons serrées et du torrent des hommes. Vide d’hommes et pleine de traces, telle est la vraie route du pèlerin. Présentement, en ce pèlerinage, je ne laisse pas encore la forme humaine entre la religion et nous. Il y a mille raisons de croire à l’homme et mille de n’y pas croire. Il n’y a que raisons de croire au printemps ; c’est vivre. “Sois pieux devant le jour qui se lève”, dit le petit oncle à Jean-Christophe. C’est se réveiller, c’est croire encore une fois. La vie, devant le regard de Darwin, implique le jugement que ce monde est bon. Prier c’est donc premièrement s’adapter, ou, mieux, se reconnaître apte. Ce que confirme Stendhal, ce mélancolique de l’après-dînée, disant que la vie est faite de