Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut-être, d’après les plus effrayants mystères de la religion agreste, que le panthéisme était déjà hérésie, et redoutable, au temps de Jupiter Olympien. C’était faire remuer les Titans, ensevelis une bonne fois sous leurs montagnes ; c’était ressusciter le sauvage contre l’esprit des villes, centre réel de la paix des champs.

Il est de religion, et essentiellement, que la religion de la nature soit subordonnée, quoique conservée. C’est pourquoi la célèbre preuve de Dieu par le spectacle de la nature est un scandale aux yeux de l’esprit. Car premièrement elle est fausse. Il n’est pas vrai que tout soit bon et divin, de même qu’il n’est pas vrai que les travaux des champs soient faciles et heureux. Cette illusion est d’un citadin. Le paysan adore le serpent d’une certaine façon, ce qui n’empêche pas qu’il le tue. Et il faut bien manger le bœuf. La nature est sévère et sans tendresse hors de l’homme ; en l’homme elle est encore pire, et c’est le jan-