Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est impossible. La rue est un brutal sentier. On ne se demande point si l’on va respecter la maison et la borne. On tourne où il faut tourner. Ce pouvoir anguleux, qui n’empêche pourtant point les projets, mais qui les détourne sans façon, définit le dieu urbain comme nous voyons qu’il est partout. Ce lent déguisement du héros, et ce vêtement de pierre, fixent la statue sur le socle, aussi éloquent qu’elle. Et le propre du Terme citadin, ce n’est pas qu’il ne faut pas le franchir, c’est qu’on ne peut pas le franchir.

D’où il est bon de remarquer que la pensée urbaine est elle-même décidée, angulaire, frivole et subtile dans l’espace de rue qu’on lui laisse, sérieuse et affairée le long de ses limites. Aux champs les pensées sont toutes défendues un peu, toutes permises un peu, comme sont les sentiers de vache. À la ville, tout est permis dans les pensées, mais il s’y trouve l’impossible, qui n’a pas besoin de rai-