Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/280

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soit que l’ami pare les coups, sans même qu’on le voie ; soit qu’il soit inexplicablement séparé de l’ami, comme par une malice. Quand le guerrier s’égare à la poursuite d’un fantôme, ce n’est qu’une erreur d’emportement, et naturelle ; le même événement est surnaturel, le même, tel que les yeux l’ont vu. Et la mort de Patrocle, désarmé par le dieu Mars, dépouillé de sa force comme d’une armure, est bien la mort d’un homme fatigué. L’homme ne se connaît pas lui-même. Quoiqu’il sache que le pain, les viandes, le vin lui donnent une provision de courage, non pas infinie, il ne le croit jamais. Le propre du courage, comme de toutes les passions, est de chercher d’autres causes. Ajax dit qu’un dieu le pousse ; c’est qu’il sent ses mains et ses pieds qui vont d’eux-mêmes. Et si, au contraire, Jupiter donne aujourd’hui la victoire aux Troyens, cela veut dire que les genoux achéens n’avancent plus. Ces métaphores sont