Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inventé cette balance d’or, où Jupiter pèse les destins ; car les armes sont sur les plateaux, et les héros aussi, et les dieux aussi. Le symbole de la balance, ce juge, dit donc bien plus que César ne voudrait ; et c’est César qui le dit. Il se répand ainsi une justice céleste, qui ne règne pas au ciel.

Ces contradictions ne seraient point dans les dieux si elles n’étaient d’abord logées dans nos moindres pensées. À la cour tout est justice de distribution, ce qui crée le mérite et aussitôt le corrompt. Les biens et les maux sont promptement donnés comme au hasard, car le pouvoir ne veut point de règles, et c’est trop se soumettre au flatteur si on lui donne ce qu’il attend. La faveur est partout dans les avenues de la cour, et toujours inexplicable. Cette idée a été importée dans la théologie la plus sublime, et fait le désespoir janséniste ; car c’est visiblement empiéter sur le pouvoir absolu que de compter sur lui, et même de compter sur soi. Or