Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/305

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Pragmatisme, est un mensonge utile, et qui n’est utile que si on le fait jouer sans y croire. Il est absolument faux que l’intérêt du gardien soit jamais de se faire tuer pour son maître. Il est absolument faux que l’ivresse de la puissance conduise à mourir pour Sparte ou Rome. Il y a autre chose, comme Socrate disait. Il y a ce que l’esprit se doit à lui-même, et un intime déshonneur en certains moyens. Ici paraît la vraie religion, toujours niée. Il n’y a peut-être pas un seul homme qui se persuade de Platon. Pourquoi ? Ce n’est pas tant la vertu qui effraie que l’insurmontable notion de l’esprit libre. Il a fallu inventer encore un maître suprême de l’esprit libre, des vérités déjà faites, d’insolubles contradictions, enfin notre irritante théologie. Il est pourtant évident, et pour le matérialiste même, que son système ne serait pas si l’esprit n’était libre ; car le matérialisme suppose une méthode et un ordre que les choses comme elles vont