Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/324

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pas dire assez. L’esprit n’est ni dedans ni dehors ; il est le tout de tout. Au delà du connu il pense régions sur régions ; et tout le possible, il y est ; et là où il veut se nier, il y est encore ; à sa propre mort il y est. Si loin qu’on étende l’être, l’esprit est plus grand ; ce qui ne veut point dire seulement qu’il dépasse les limites ; l’idée même d’une limite de l’esprit est absurde, car la limite, seulement pensée, a deux côtés ; d’avance l’esprit dépasse tout. Quand on dit qu’il n’est point, on entend qu’il est plus qu’être. Cette simple description dépasse ainsi toutes les hyperboles de la théologie.

Le plus haut paradoxe, enfin, c’est que l’esprit est un et indivisible. Si l’unité entre ici et là était rompue, il n’y aurait plus ni ici ni là. L’univers est un, mais d’avance, par ceci que deux univers séparés n’en feraient qu’un, puisqu’on les penserait deux. L’univers ainsi n’y pouvant rien, ce n’est pas lui qui est un. Spinoza, le seul homme peut-être qui ait