Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/356

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choses.” Trois fois, avant que le coq ait chanté…

Ce diable à mille formes est né de la plus haute religion ; il la suit comme l’ombre. Car que faire de tous les dieux végétaux et animaux, qui nous tiennent au ventre ? Et que faire de tous les dieux couronnés, qui nous tiennent au thorax ? Ils sont tous réels et trompeurs. Ils sont apparences, et apparences vraies. La pire est celle qui tient le mieux, car on devient roi. Le diable emporte Jésus sur la montagne et lui montre les puissances de la vallée, bois, terres, villes, qui sont à qui les veut. Ce n’est toujours qu’être bouc, mais avec chapeau doré et baudrier. Tout cela, c’est la tentation, et le vice ne manque jamais d’être récompensé. Ah ! malheureux hommes ! disait déjà Platon. Ils vont mal choisir. Tout les trompe. Qui ne voudrait être puissant afin de servir ses amis ? Cette voix n’a guère été entendue, qui nous avertit de notre propre être, et de l’escla-