Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/357

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vage où nous allons nous jeter. Le diable, ce bouc, nous parle mieux ; par ses déguisements, par ses soudaines apparitions, par les prodiges, par la facilité qu’il nous procure d’aller comme l’éclair, de prendre, de transformer, de donner, de régner. L’enfant apprend, avant toute chose, qu’il n’est rien qu’on n’obtienne par des discours convenables. La voie de la justice et du travail est longue au contraire. Diable ! Diable !

En ce diabolique mélange de faux et de vrai, de vrai qui n’est jamais vrai et de faux qui n’est pas tout à fait faux, je reconnais une idée parfaite, où sont rassemblés tous les dieux inférieurs, dieux de nature, et dieux politiques. Qu’ils existent, c’est évident ; ils ne sont qu’existence ; ils sont l’existence même, par laquelle nous sommes pris et repris. Seulement l’existence n’est point dieu. Quoi de plus fort qu’un glacier ? Il pousse des montagnes de rochers ; il creuse la vallée,