Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/358

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il fond en torrent et en fleuve ; il arrose les campagnes et les villes. Force aveugle ; conquérant. César est aveugle aussi ; il arrache, il rase, il se détourne, selon le hasard oblique. Victoires et défaites ne font que dessiner les arêtes du monde. Un empire est comme un fleuve ; le sable est plus fort que le fleuve ; le vent est plus fort que le sable. C’est pourquoi Jésus disait : « Mon empire n’est pas de ce monde. » Le diable dit mieux, sans aucune parole, que son empire est de ce monde. Mais quel accord des légendes, des arts, et même des mots ! Quel nivellement de tous les dieux en ce seul mot, le diable ! Qu’il soit damné de toute éternité, cela est plein de sens. Car l’univers est toujours, et sans valeur toujours. L’esprit est trompé s’il ne croit d’abord à lui-même, et seulement à lui-même.

Descartes n’a pas dédaigné d’élever le diable au niveau des Méditations ; il le nomme Malin Génie, et lui reconnaît pou-