Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/365

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images que par ses discours. Ce que nous estimons au-dessus de tout nous ne pouvons pas l’effacer ; nos plus hauts plaisirs, et même quand le diable y serait, nous détournent d’oublier tout à fait nos parties nobles.

Par cette sorte de politesse, nous sommes encore loin de sainteté. L’homme n’est jamais fier d’être animal, soit dans ses plaisirs, soit dans ses colères. Il y eut toujours des sages qui se gardèrent de ces deux excès, apercevant même la liaison entre l’un et l’autre, et que le pouvoir, cruel par système, va naturellement à la folie orgiaque. Socrate a tout dit là-dessus. Marc-Aurèle empereur et Épictète esclave ont poussé à l’extrême le souci de ne pas déshonorer la partie gouvernante. Ils ont une juste idée de la grandeur humaine, qu’ils séparent du costume, de la richesse, du pouvoir. Ils la recherchent, ils l’honorent sous les apparences, ce qui est pressentir l’égalité et même la fraternité.