Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/366

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Ils sont païens pourtant. Pascal les a marqués d’orgueil. C’est qu’ils se disent et se connaissent fils du monde. Cherchant, comme fit plus tard Christophe, le plus puissant des maîtres, ils se sont arrêtés à cette grandeur étalée, ils s’y sont soumis. « Tout ce que m’apportent tes saisons est pour moi un fruit, ô Nature ! » On sait que, par ce détour, ils s’accommodaient de Jupiter et des autres Olympiens, qui n’étaient à leur raison que des noms poétiquement donnés aux grandes forces. Et c’est bien par la puissance qu’ils cheminaient en leurs pensées vers la raison universelle. « Rien n’est plus puissant que le monde ; rien n’est plus grand, rien n’est plus beau ; donc le monde est raison. » Ce n’était pas assez de se démettre de puissance ; car c’était encore adorer la suprême puissance. Ils voyaient l’homme petit ; d’où un mépris d’eux-mêmes en un sens, et un prompt mépris des autres peut-être. Fils du monde, ils étaient fils d’orgueil.