Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/375

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dieu ? Il faut revenir aux anciens passages et à l’ascension réelle qui fait toutes nos pensées. L’anthropomorphisme n’est nullement une erreur de sauvage ; et l’Olympe grec est réellement le premier salut de nos anciens tressaillements. Jupiter est un homme, mais n’arrive pas encore à être un dieu, sinon par rapport au serpent, à la vache, au loup, au singe, à l’éléphant. Jupiter n’est pas assez dieu ; il n’est pas non plus tout à fait homme ; car il ne se dépasse point, et jamais ne se juge. Il est bonhomme, comme sera toujours César incontesté. Et c’est parce qu’il n’est pas assez homme qu’il n’est pas encore digne d’être dieu. Jéhovah, tout au contraire, n’est plus homme du tout, et sa manière d’être incompréhensible n’est pas celle de l’homme, mais plutôt celle de l’indescriptible qui se cache dans les bois ou dans le nuage. Cet esprit pur ne peut plus s’incorporer ; il est coupé de l’homme, et revient sur l’homme en prodige extérieur. Il fallait,