Page:Albalat - Le Mal d’écrire et le roman contemporain.djvu/241

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grette que l’amour et la jeunesse. Hors de là tout est vain. » On ne peut que le louer de s’être montré discret ; mais on ne le blâmerait pas d’avoir franchement rappelé ses torts, sinon pour les glorifier, au moins pour s’en accuser. Cette absence de souvenirs amoureux dans une existence si passionnée est bien surprenante. Nous ne demanderions pas mieux que de lui en faire un titre de délicatesse, si le témoignage de sa vie ne nous forçait à y voir une dernière preuve d’indifférence. Il nous a dit qu’il a mis un point d’honneur à se taire ; Sainte-Beuve croit qu’il a surtout voulu sacrifier son passé à madame Récamier. Pour moi, je suis persuadé qu’il s’est tu parce qu’il n’avait rien à dire et qu’il avait tout oublié.

Voyons donc ce qu’il avoue et ce qu’il cache, et pour cela remontons jusqu’à son enfance. Tâchons de tirer de sa nature et du milieu où il a grandi la formation de ses sentiments, le point de départ de sa conduite ; et nous constaterons ensuite que son caractère, ses duretés et ses défections passionnelles n’ont été que le développement logique de son organisation morale.

Tout d’abord, lorsqu’on lit le récit de sa jeunesse, vécue au fond du vieux château de Combourg, on comprend l’excès de pessimisme dont il fut précocement atteint et qu’il devait communiquer comme un fléau à toute notre littérature, Né d’un père d’humeur farouche, élevé par une mère rêveuse et délicate, René de Chateaubriand a