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Page:Albalat - Le Travail du style, 1904.djvu/203

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LES CORRECTIONS DE BOILEAU 191 vention que dans l'expression. N’a-t-il pas dit dans une préface : " Qu’est-ce qu’une pensée neuve, bril- lante, extraordinaire ? Ce n’est point, comme se le persuadent les ignorants, une pensée que personne n’a jamais eue ni dû avoir ; c’est, au contraire, une pensée qui a dû venir à tout le monde et que quel- qu’un s’avise le premier d’exprimer. » La correspondance de Boileau avec Racine est des plus instructives. On y voit les deux grands poètes, amis éprouvés et fidèles, mais toujours cérémonieux et graves, échanger mutuellement leurs productions et leurs critiques. Boileau consulte son ami en travaillant à sa satire sur les femmes, composée d’inspiration dans un moment de « fougue poétique ». Il déclare que les « multitudes de transition le tuent », et envoie à Racine une trentaine de vers qu’il modifie d’après ses conseils. On peut les lire dans les éditions clas- siques. Un autre exemple des corrections de Boileau se trouve dans son morceau sur la Joconde de Bouillon, où il vante la supériorité de La Fontaine. Malheu- reusement le débat porte sur une langue aujourd’hui démodée. On sait que Boileau eut un moment la faiblesse de se croire poète lyrique. Nous avons de lui une ode sur la prise de Namur, qui est célèbre par sa banalité grandiloquente. La valeur de l’ode importe peu. Ce qui est remarquable, c’est le travail qu’elle a coûté à l’auteur.