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MYSTÈRE

Oui, à peu près comme les jaunes d’œufs dans l’oseille. — Allons donc, c’est que vous avez la bouche trop délicate, trop sensible ; le vinaigre est nécessaire à la jeunesse, c’est un stimulant tout poétique, et si vous ne l’appréciez pas autant que le moka, c’est que vous n’avez pas encore le goût formé. »

Mais parlons sérieusement. Les Vatels de collèges ne se distinguent-ils jamais ? — Oh ! quand cela leur arrive, ils en sont fiers. Aussi, on les voit se sourire à eux-mêmes, tendre le jarret, porter la tête haute : en un mot, attitude de tambour-major, après une grande victoire. Mais

             Chassez le naturel, il revient au galop,


et le lendemain ils nous font une sauce blanche qui le dispute en qualité… au badigeon le mieux fait. Et c’est là-dedans que nous trempons nos asperges… quand on nous en donne. Un jour que l’on nous en avait donné, un élève crie d’une voix assez bien stentorée : « Messieurs, une idée, une idée superbe ! Voyez un peu ces murs, de bonne foi n’ont-ils pas besoin d’être repeints ? Eh bien ! si nous nous armions chacun de trois ou quatre asperges trempées dans la sauce blanche de notre Vatel, nous pourrions ici faire les fonctions de badigeonneurs. » Et sans l’intervention de M. l’économe, que courut chercher le pion, c’était fait. C’est ainsi qu’au collège les meilleures idées sont coupées dans leur racine ! Aussi, il y a là une petite vengeance qui se couve en faveur du pion.