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DE LA PEINTURE

qui aura appris à saisir et à manier tout d’abord les choses de poids, le pourra facilement faire à son gré des choses moindres. Il n’y a rien de si difficile dont tu ne puisses venir à bout avec de l’étude et de l’assiduité. Mais, pour que l’étude ne soit pas vaine et stérile, il faut fuir cette coutume qu’ont plusieurs de vouloir atteindre à la gloire de la peinture uniquement par leur propre génie, sans observer, à l’aide des yeux et de l’esprit, le moindre aspect naturel. Ceux-là n’apprennent pas à bien peindre, mais ils s’habituent aux erreurs ; car l’idée du beau, à peine saisie par les habiles, fuit à coup sûr ceux qui ne le sont pas.

Zeuxis, le plus excellent, le plus savant, le plus habile de tous les peintres, ayant à faire un tableau qu’il devait consacrer publiquement dans le temple de Diane, chez les Crotoniates, ne se mit pas à peindre, en se fiant témérairement à son génie, ainsi que tous les peintres ses contemporains ; mais, comme non-seulement il ne pensait pas pouvoir trouver ce qu’il cherchait dans son propre génie, mais encore n’estimait pas le rencontrer dans un seul corps, en consultant la nature, il choisit, en conséquence, dans la jeunesse de la ville, cinq vierges les plus belles de forme, afin qu’il pût mettre dans sa peinturé ce que chacune avait de plus exquis en beauté féminine. En vérité, c’était agir sagement. Effectivement, il arrive trop facilement aux peintres qui ne se proposent aucun modèle à imiter, alors qu’ils s’efforcent de saisir la splendeur de la beauté par leur seul génie, de ne pouvoir, quelque travail