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PROLOGUE.

Quand tu sauras cette grammaire de l’art, alors tu philosopheras, et tu le feras mieux, crois-moi, car tes spéculations métaphysiques seront sagement pondérées par une connaissance certaine des principes, et, semblable aux grues qui autrefois, dit-on, pour se tenir également entre terre et ciel, portaient une pierre entre les pattes, tu voleras d’un vol mieux équilibré.

Autrement, enferme-toi dans l’historiographie des arts. Recueille les contrats authentiques, les actes relatifs aux maîtres. Enfonce-toi, comme c’est un peu la mode, dans l’érudition d’inventaire, qui devient de plus en plus stérile ; ou bien, endoctrine l’artiste sur la coupe des vêtements, sur inconvenance des milieux où sa fantaisie établit sa scène, sur les écarts de son archéologie. Mais, parce que tu auras colligé les codicilles du testament d’un peintre, parce que tu auras découvert les articles secrets des accords d’un autre avec la nièce d’un cardinal, parce que tu auras véhémentement convaincu le troisième d’avoir introduit des Turcs dans des sujets évangéliques et fait dîner le Christ à Venise ; parce que tu auras établi par les traditions byzantines que l’âne de Balaam était un mulet, et prouvé victorieusement qu’Abraham allant combattre Chodorlahomor ne portait pas une armure