Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/13

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l’histoire, et l’éducation de sa petite famille. À cette époque, il voyait toujours Monti, Silvio Pellico, Charles Porta, Thomas Grossi et des étrangers illustres de passage à Milan. C’est alors que parurent ses beaux hymnes sacrés ; en 1812, il composa la Résurrection ; en 1813, le Nom de Marie et la Nativité ; en 1815, la Passion. La Pentecôte ne parut qu’en 1822.

Après trois ans de travail, il termina en 1819 la tragédie : le Comte de Carmagnola, que Fauriel traduisit immédiatement en français. Il publia ensuite la Morale catholique, livre dans lequel il défendait sa foi religieuse contre le protestant Sismondi, qui prétendait prouver que le catholicisme avait contribué pour une large part à la corruption des mœurs et à la décadence de l’Italie. Manzoni réfuta victorieusement les accusations : il avoue les crimes dont la religion a été le prétexte, il condamne sévèrement les prêtres qui ont oublié l’esprit de charité et d’humilité ; mais, sans jamais sortir des limites du respect, il défend chaleureusement des opinions pour lesquelles il a toujours combattu. Il démontre ce que la morale chrétienne a d’élevé et de sublime, combien elle est opposée aux persécutions et aux guerres religieuses. Il comprend la religion conforme à l’idée la plus haute de la divinité et ayant pour but de rendre l’homme bon, le peuple grand, l’humanité heureuse. Aux arguments de Sismondi, il oppose les vérités et les principes que, depuis les Apôtres jusqu’à nos jours, les éminents défenseurs de la foi ont propagés.

La lutte entre les romantiques et les classiques était alors dans toute sa fureur, et Manzoni écrivit au marquis d’Azeglio une lettre sur le Romantisme dans laquelle, avec son bon sens habituel, il s’élève contre l’idolâtrie des formes établies et contre ces règles serviles qui paralysent l’imagination.

Dans le silence de sa maison, il suivait avec anxiété les mouvements révolutionnaires qui agitèrent l’année 1821. De son cœur, débordant de patriotisme, sortit le chant inspiré : Mars 1821, qu’il n’osa pas publier, mais qu’il communiqua à quelques amis intimes. On l’accusa de tiédeur, mais le futur poëte national, fort de sa conscience, aima mieux se taire en attendant des temps meilleurs. En effet, si la prudence de Manzoni en politique laissa quelque prise à la critique, il faut reconnaître qu’il ne faillit jamais à la dignité que son nom lui imposait. Peut-être la persécution eût-elle mieux consacré son dévouement à la cause de la justice et du droit ;