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mais le poste qu’il occupa parmi les défenseurs de l’unité italienne n’en est pas moins pour lui un glorieux titre à la reconnaissance de son pays.

Son écrit sur l’Unité de temps et de lieu dans la tragédie, en réponse à Chauvet qui avait combattu dans un journal de Paris l’école romantique, date de cette époque, de même que son ode immortelle le 5 Mai, écrite en un seul jour, et qui ne lassera jamais l’admiration du monde.

Nous arrivons maintenant à son chef-d’œuvre les Fiancés. Se trouvant un jour à Brusuglio avec Thomas Grossi, il lut dans l’Essai sur l’Économie de Gioia un écrit de Ripamonti sur l’Innominato (l’Inconnu) et les bans contre les bravi ; réfléchissant aux misères de ces temps, l’idée lui vint de les décrire dans un roman historique. Il rechercha alors les auteurs qui parlaient des doctrines économiques, de la peste, des maladies épidémiques, fouilla dans les archives ecclésiastiques et civiles, dans les bibliothèques, partout, enfin, où il espérait trouver des renseignements utiles à son projet, et commença à écrire les Fiancés, qui furent publiés en 1827.

L’apparition de ce roman, qui est sans contredit l’œuvre la plus belle de Manzoni, lui valut une gloire sans égale.

Cette histoire d’opprimés et d’oppresseurs commence sous le beau ciel qui avait éclairé la première enfance du poëte. C’est le charmant récit des amours d’un fileur avec une douce et modeste jeune fille de même condition ; amour honnête et saint que l’égoïsme timide d’un prêtre peureux abandonne aux pièges d’un châtelain brutal qui s’oppose à leur mariage. Les fiancés sont protégés par un humble moine, qui, au nom de la justice égale pour tous, résiste aux menaces et réussit enfin à les soustraire au tyran qui les persécute. La jeune fille se réfugie dans un monastère, mais cet asile sacré est violé ; l’alliance de l’orgueil de race avec les intrigues monacales avaient entraîné dans un cloître une victime rebelle, victime qui par ses passions est poussée dans la voie du crime et qui livre à son persécuteur la jeune fille qu’on lui a confiée. Cependant, par sa parole évangélique, un saint évêque finit par avoir raison du ravisseur que le crime avait endurci, et lui persuade de laisser libre la jeune Lucia, l’héroïne du roman.

Manzoni retrace avec un esprit incontestable de vérité le caractère de cette époque ; il fait ressortir, par la fidélité de ses portraits, les conséquences funestes d’un gouvernement despotique. Il nous intéresse à ce peuple victime de nombreux préjugés où le maintenaient encore l’ignorance