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Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/275

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Lorsqu’enfin ce battant de cloche eut frappé onze coups[1], c’est-à-dire l’heure que Renzo avait fixée pour son lever, il se souleva à demi perclus, se mit à genoux, récita, et avec plus de ferveur qu’à l’ordinaire, ses prières du matin, se dressa sur ses pieds, étendit ses bras et ses jambes, secoua sa taille et ses épaules, comme pour remettre l’accord de ses membres qui semblaient agir chacun par soi, souffla dans l’une, puis dans l’autre de ses deux mains, les frotta, ouvrit la porte de la cabane, et avant tout il regarda des divers côtés pour voir s’il n’y avait personne. Ne voyant personne, en effet, il chercha des yeux le sentier qu’il avait suivi le soir précédent, le reconnut aussitôt et le prit pour s’acheminer.

Le ciel promettait une belle journée ; la lune, près d’achever son cours, pâle et sans rayons, se détachait cependant sur cet immense champ d’un gris mêlé d’azur qui, bien bas vers l’orient, se perdait par degrés insensibles dans une teinte jaune et rosée. Plus près encore de l’horizon s’étendaient en longues bandes inégales quelques nuages où le bleu et le brun confondaient leurs nuances, et dont les plus bas présentaient à leur bord inférieur comme une ligne de feu qui de moment en moment devenait plus vive et plus tranchante. Au midi, d’autres nuages, ramassés ensemble, légers et moelleux, pour ainsi dire, allaient s’illuminant de mille couleurs auxquelles on ne saurait donner un nom. C’était ce ciel de Lombardie, si beau quand il est dans sa beauté, si splendide et si calme. Si Renzo s’était trouvé là se promenant, il aurait certainement levé les yeux et admiré cette naissance du jour si différente de celle qu’il était habitué à voir dans ses montagnes ; mais il ne faisait attention qu’à son chemin et marchait à grands pas, tant pour se réchauffer que pour arriver

  1. À peu près cinq heures et demie du matin.