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DONATELLO.

quées : « Eh ! Paolo, s’écrie Donatello, ta perspective te fait laisser le certain pour l’incertain. Toutes ces choses ne sont bonnes qu’à ceux qui font de la marqueterie ! » C’est une anecdote qui devrait demeurer présente à l’esprit de tous ceux qui sont tentés, non point d’approfondir les questions techniques que l’on ne saurait trop approfondir (nous avons vu que Donatello était un des plus savants artistes qui fussent), mais de leur subordonner la pensée la plus large, et jusqu’à l’art lui-même. Ils sont des théoriciens bons à ne créer que les puériles illusions des marqueteurs.

Il faut avouer cependant que Donato ne ménagea point le pauvre Paolo Uccello et qu’il le traita même assez durement. Notamment encore dans l’aventure de cette fresque que Paolo cachait à tous les yeux, et à propos de laquelle Donatello lui dit, une fois terminée : « Ah ! Paolo, c’est maintenant que tu devrais la cacher. » Cette parole qui, paraît-il, désespéra Uccello n’est ni bien juste, ni bien généreuse. Mais il faut bien se reporter à une époque où les nerfs étaient assez rudes à ébranler, où le sarcasme était comme une sorte d’escrime, et où Donatello lui-même, à l’occasion, l’acceptait pour ses propres œuvres, après réflexion, comme nous l’avons vu lorsque Brunelleschi le taxait de faire de la sculpture rustique. Le touchant monument d’admiration et de respect, non exempt d’une certaine fierté, que Paolo Uccello nous a laissé en portraiturant Donatello, nous montre au reste combien les rapports étaient excellents entre tous ces maîtres.