Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/95

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bien des beautés, bien des bijoux ; mais jamais Paris n’a possédé et ne possédera jamais une pareille beauté, un bijou pareil.

Bien des Parisiennes savent gaiement chanter et ravir leurs amants au sein des banquets nocturnes ; mais en fût-il jamais qui sût, aussi bien que Dridri, vider la coupe du plaisir en l’honneur de l’amour ?

Elle vint au monde pendant un carnaval, comme une bonne nouvelle, et, depuis, se riant de la mort et des mauvaises destinées, elle chantait ainsi sur les flots du monde :

« La vie passe rapidement ; l’amour est un soleil qui éclaire le cours de la vie. Ô vous, qui traversez le pays de la belle jeunesse, marchez, comme moi, le front dans la lumière !

« Le ciel bienheureux nous a envoyés ici-bas pour voyager ensemble, et nous a donné le sentiment, le désir du bonheur, et une âme ardente pour nous aimer.

« Mon cœur est plein d’amour et de lumière : il veut aimer jusqu’à la mort. Mon âme est toute radieuse… le paradis s’ouvre devant elle… Accourez tous à la voix de la joyeuse Dridri. »

Ainsi chantait, de sa voix harmonieuse, la chère enfant insouciante. Hélas ! elle croyait à l’amour et à ses illusions, comme à des biens célestes et infinis.

Elle ignorait qu’ici-bas la mort atteint de préférence le nom le plus doux, la plus tendre fleur, le vœu le plus suave, et les fait soudain disparaître comme un éclair passager.

Sous une croix funéraire la jeune artiste repose maintenant toute seule : seule et silencieuse, elle est perdue dans un coin du monde, sous la terre noire.