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Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/133

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matière à écrire, sur cette classe, un pendant à l’Assommoir. Une brusque clarté se fit dans son esprit. Il conçut Pot-Bouille, et remit à plus tard le roman au plan duquel il travaillait et dont le sujet venait mal.

De même qu’il avait pris, rue de la Goutte d’Or, une maison d’ouvriers, suant la misère et le vice, il lui fallait maintenant, dans quelque beau quartier, choisir une de ces modernes maisons aux dehors respectables ; ensuite, il lui fallait l’étudier du haut en bas, rendre les murs transparents comme s’ils étaient de verre, arracher leurs secrets aux lambris dorés, voir tout ce qui se passe derrière une de ces façades de luxe et d’hypocrisie. Et il trouva tout d’abord le titre : Pot-Bouille, c’est-à-dire le pot-au-feu bourgeois, le train-train du foyer, la cuisine de tous les jours, cuisine terriblement louche et menteuse sous son apparente bonhomie. Aux bourgeois qui disent : « Nous sommes l’honneur, la morale, la famille, » il voulait répondre : « Ce n’est pas vrai, vous êtes le mensonge de tout cela, votre pot-bouille est la marmite où mijotent toutes les pourritures de la famille et tous les relâchements delà morale. »

Afin de mettre cette idée en œuvre, il chercha dans ses propres souvenirs et dans ce que lui racontèrent ses amis, les cinq ou six histoires arrivées dont il avait besoin, pour le plan touffu qu’il rêvait : une sorte de page grouillante arrachée de la vie. Puis, après une promenade à la rue de Choiseul,