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Page:Alexis - Madame Meuriot : mœurs parisiennes.djvu/24

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MADAME MEURIOT

Il s’assit à sa droite ; puis, dépliant sa serviette :

― Diable ! on a sorti son beau linge !…

La nappe pendait très bas, raide et neuve. La belle ordonnance du couvert l’impressionna. L’argenterie lançait des étincelles. « Fichtre ! des coupes à champagne ! » Les cuivres de la suspension, repassés, flambaient neuf.

― En quel honneur ? Qui attend-on ?

― Tiens ! il voudrait tout savoir !… dit mystérieusement M. Honorat, qui commençait à servir le potage.

Il faisait vis-a-vis à sa femme, ayant à sa droite madame Camoin. Deux places restaient vides : celle réservée à Gustave, entre sa mère et sa tante, puis, entre les deux beaux-frères, celle du « problématique » docteur Silvy. Quand il eut rempli avec lenteur et componction trois assiettes à soupe, il fronça le sourcil. Ça le contrariait, lui, qu’il y eut des couverts inutiles ; et, prétendait-il, cela lui coupait l’appétit. Une vive discussion s’éleva même entre lui et sa femme, au sujet du couvert du docteur. Dans leur irritation, ils s’appelaient sèchement par leur prénom, au lieu de s’accorder ces continuels « Monsieur Honorat », « Madame Honorat », dont ils avaient plein la bouche, en leurs effusions de bonne entente conjugale. Cette mauvaise tête de Casimir, méticuleux et pointu, voulait à toute force que la domestique emportât le couvert. Mais Adélaïde tint bon, le prit de très haut, et finalement, repoussa ce malencontreux empiètement sur son empire domestique.

Battu du côté du docteur, Casimir voulait