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MADAME MEURIOT

II

Alors, il n’y eut plus de nuages. Pendant que Rosalie enlevait les assiettes à soupe, M. Honorat versa du bordeaux dans les petits verres. Puis, élevant le sien, comme un prêtre élève le calice à l’offertoire :

― Je bois à la santé de madame Honorat ! prononça-t-il avec une gravité d’officiant.

Le choc des verres dura longtemps. La paralysée tenait le sien à deux mains. Après les chocs particuliers, un heurt général. Enfin, l’oncle Camoin, trouvant le bordeaux bon, en redemanda, et voulut recommencer « à faire ça avec sa bellesœur, lui, tout seul ! » Se levant de table, sa serviette à la main, il embrassait la mère Honorat, avec son amabilité de papillon lourd. Casimir « fit également ça » avec sa belle-sœur mais ; moins turbulent quoique méridional, de race plus fine, il se contentait de lui baiser galamment la main ; puis, il découpa le saucisson. Rosalie faisait passer le beurre et les radis, des olives vertes conservées dans l’eau salée.

― Ah ! des olives de Saint-Chamas ! s’écria le maître de la maison, avec une gourmandise attendrie.

Natives de Rennes, en Bretagne, les deux sœurs ne voulurent pas d’olives ; l’oncle Camoin, lui, bourguignon, en prit deux, par complaisance : mais le père Honorat en remplit goulument son