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Page:Alexis - Madame Meuriot : mœurs parisiennes.djvu/27

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MADAME MEURIOT

assiette. C’était près d’Arles, Saint-Chamas, et au bord de l’étang de Berre. Il se mit a décrire la petite ville, qu’une colline coupe en deux parties, absolument distinctes, n’ayant entre elles de communications que par un tunnel. On ne les préparait bien qu’à Saint-Chamas, les olives.

― Vous n’y trouveriez pas de différence, vous autres ! Mais il y a des abîmes… Le docteur Silvy, lui, me comprendrait ! La bouche pleine de noyaux, il évoqua sa jeunesse : les grandes battues aux macreuses, sur l’étang ; la Crau « une plaine de cailloux ; » la place du Forum, à Arles, où il était né, avec ses maisons construites sur d’anciennes catacombes romaines, aux caves remplies d’ossements humains ; la coiffure si poétique des Arlésiennes ; la vallée du Rhône, où s’engouffre le mistral. Et il parla de sa nombreuse et honorable famille, de son vieux père, pas riche. Pour « soulager le plancher », à dix-sept ans, il avait dû partir, venir à Paris se faire une position. Avant d’entrer aux assurances, il avait longtemps placé des huiles.

Alors, l’oncle Camoin s’attendrit à son tour : avant de se lancer dans les grandes affaires, lui, de Beaune, avait d’abord placé des vins.

Et, en attendant qu’Honorat lui eût servi du bœuf, Rodolphe parla du vin. Il ne plaisantait pas, maintenant. Plus la moindre illusion graveleuse : du lyrisme Le vin ! c’était « le sang de la terre », et la santé de l’homme, et la « moelle de la vie ». Il avait poussé au milieu d’un vignoble, lui. Sa santé, sa haute taille, sa voix mâle, il les devait au généreux produit de sa Bourgogne. Son teint ? eh ! n’était-ce pas la fleur même du noble liquide, qui lui ressortait par les pores. Ici.